mardi 19 avril 2016

Le Mat : le marcheur aux grelots qui font chanter le monde


Le Mat est la seule carte du Tarot à ne pas avoir de numéro. Tout simplement parce qu’il n’en a pas besoin et qu’il ne situe pas à un endroit précis du chemin de conscience et de vie proposé par le Tarot entre le 1 et le 21.

Il est ce qui commence, ce qui se met en marche : la conception d’un enfant, un projet qui débute et que l’on imagine encore, un spermatozoïde ou un ovule, un amour naissant… Il est l’élan fondamental de la Vie, la conscience qui s’éveille et cherche. Pure énergie, élan premier, il se situe bien sûr au début du jeu mais aussi en chacun des arcanes. Un arcane sans l’énergie du Mat serait comme un corps sans vie, un être vivant sans conscience, un morceau de bois mort. Le Mat est ce qui va ; toujours. Ce qui ne s’arrête jamais, et quand bien même le ferait-il, ce qui ressemble à un chien lui mord les mollets pour l’inciter à avancer.

Le Mat a un corps, la preuve étant qu’il est mordu. Il marche, inlassablement, sans fin. Il est l’arcane de la conscience qui s’incarne en un être, et le chemin qui l’attend est long : du début avec le Bateleur –celui qui a tous les outils mais ne sait pas encore s’en servir, pas plus qu’il ne sait quoi faire exactement- jusqu’au Monde et sa parfaite réalisation.

Il se contente de peu ne s’encombrant que d’un baluchon porté sur l’épaule et d’un bâton rouge pour en souligner l’énergie phénoménale. Juxtaposons son image à celle de l’Arcane sans nom et constatons que le bâton de l’un est recouvert par la faux de l’autre ! Le Mat est un pèlerin. Il avance toujours, et c’est dans cette avancée lente et têtue qu’il trouve ses réponses. C’est un marcheur ; il a un corps et il s’en sert. Il lui manque un doigt à la main droite, et cela est un de ses mystères. Il dit entre autre ceci : « il n’y a pas d’expérience de la conscience sans un corps pour la percevoir. Ton corps est donc un outil précieux ». Et sans doute ajoute-t-il : « n'oublie pas de le faire danser ! ».

Certains l’appellent le Fou. Il est possible de penser que cela procède d’une démarche de dévalorisation. Ce qui est sûr c’est qu’il fait fi des conventions sociales et du qu’en dira-t-on. Il se joue même de la culture. Il est avant la culture, avant la vie sociale. Il est ce qui nous meut et qui vient du plus loin que nous : l’appel de la vie à elle-même. A le regarder de près ses oreilles sont recouvertes par son bonnet. Il est parfois un peu sourd au monde, n’écoutant que son élan, distrait par rien, regardant fixement le ciel, guidé par sa bonne étoile.
Il est mouvement. Sans mouvement,la Vie meurt. Il n’y a pas de vie sans changement, sans élan, sans échanges d’énergie. Il est donc le mouvement premier, fondamental, l’élan, l’impulsion qui nous fait nous dire : « je suis vivant ».

Certains donc l’appellent le Fou et il est vêtu comme tel ; d’un habit multicolore coiffé d’un drôle de bonnet. Sur son habit des grelots ont été cousus. Ce n’est pas certain, mais si on essaie de tous les compter, y compris ceux de l’autre côté de son costume et situés sur le curieux bâton en forme de cuillère retournée lui servant à porter son sac, ainsi que les autres disposés sur la carte, on peut arriver à 22, soit le nombre d’arcanes majeurs. Lorsqu’on les secoue, et c’est ce qui se passe quand le Mat marche, les grelots tintinnabulent. Ainsi, on l’entend arriver, s’éloigner, se déplacer. Il carillonne légèrement comme une façon de dire que lorsque la conscience est là, quand elle s’incarne, quand ce que nous avons en nous de plus vital s’active ; alors, la vie chante ! Vivre pleinement c’est vibrer, chanter, tintinnabuler avec tout ce qui nous entoure et nourrit notre âme. Comme des oiseaux qui chantent, le Mat participe à la symphonie du monde.


Ancré dans la sol par les pieds et son bâton de pèlerin, regard fixant les étoiles, bercé de ses carillons, il avance, apportant à l’arcane vers lequel il se déplace son énergie première et incommensurable…