Le Mat
est la seule carte du Tarot à ne pas avoir de numéro. Tout
simplement parce qu’il n’en a pas besoin et qu’il ne situe pas
à un endroit précis du chemin de conscience et de vie proposé par
le Tarot entre le 1 et le 21.
Il est
ce qui commence, ce qui se met en marche : la conception d’un
enfant, un projet qui débute et que l’on imagine encore, un
spermatozoïde ou un ovule, un amour naissant… Il est l’élan
fondamental de la Vie, la conscience qui s’éveille et cherche.
Pure énergie, élan premier, il se situe bien sûr au début du jeu
mais aussi en chacun des arcanes. Un arcane sans l’énergie du Mat
serait comme un corps sans vie, un être vivant sans conscience, un
morceau de bois mort. Le Mat est ce qui va ; toujours. Ce qui ne
s’arrête jamais, et quand bien même le ferait-il, ce qui ressemble à un chien lui
mord les mollets pour l’inciter à avancer.
Le Mat
a un corps, la preuve étant qu’il est mordu. Il marche,
inlassablement, sans fin. Il est l’arcane de la conscience qui
s’incarne en un être, et le chemin qui l’attend est long :
du début avec le Bateleur –celui qui a tous les outils mais ne
sait pas encore s’en servir, pas plus qu’il ne sait quoi faire
exactement- jusqu’au Monde et sa parfaite réalisation.
Certains
l’appellent le Fou. Il est possible de penser que cela procède
d’une démarche de dévalorisation. Ce qui est sûr c’est qu’il
fait fi des conventions sociales et du qu’en dira-t-on. Il se joue
même de la culture. Il est avant la culture, avant la vie sociale.
Il est ce qui nous meut et qui vient du plus loin que nous :
l’appel de la vie à elle-même. A le regarder de près ses
oreilles sont recouvertes par son bonnet. Il est parfois un peu sourd
au monde, n’écoutant que son élan, distrait par rien, regardant
fixement le ciel, guidé par sa bonne étoile.
Il est
mouvement. Sans mouvement,la Vie meurt. Il n’y a
pas de vie sans changement, sans élan, sans échanges d’énergie.
Il est donc le mouvement premier, fondamental, l’élan, l’impulsion
qui nous fait nous dire : « je suis vivant ».
Certains
donc l’appellent le Fou et il est vêtu comme tel ; d’un
habit multicolore coiffé d’un drôle de bonnet. Sur son habit des
grelots ont été cousus. Ce n’est pas certain, mais si on essaie
de tous les compter, y compris ceux de l’autre côté de son
costume et situés sur le curieux bâton en forme de cuillère
retournée lui servant à porter son sac, ainsi que les autres
disposés sur la carte, on peut arriver à 22, soit le nombre
d’arcanes majeurs. Lorsqu’on les secoue, et c’est ce qui se
passe quand le Mat marche, les grelots tintinnabulent. Ainsi, on
l’entend arriver, s’éloigner, se déplacer. Il carillonne
légèrement comme une façon de dire que lorsque la conscience est
là, quand elle s’incarne, quand ce que nous avons en nous de plus
vital s’active ; alors, la vie chante ! Vivre pleinement
c’est vibrer, chanter, tintinnabuler avec tout ce qui nous entoure
et nourrit notre âme. Comme des oiseaux qui chantent, le Mat
participe à la symphonie du monde.
Ancré
dans la sol par les pieds et son bâton de pèlerin, regard fixant
les étoiles, bercé de ses carillons, il avance, apportant à
l’arcane vers lequel il se déplace son énergie première et
incommensurable…