Lorsqu’un
changement ou un imprévu désagréables surgissent (ici l’Arcane
sans nom), on ne peut faire autrement que de tenter de les intégrer.
Pleinement. Car aller contre l’inéluctable revient à vouloir
vider la mer avec une cuillère.
Viennent
dans les premiers instants et une fois la paralysie du choc initial passée, les réponses fonctionnelles : prendre les
dispositions qui s’imposent, réorganiser sa vie comme cela s’avère
nécessaire. Nous devons aller mobiliser notre créativité et notre
réactivité (le Bateleur) tout en tentant de nous ancrer dans ce que
nous avons de plus stable et de plus sûr (ici l’Empereur).
Voyant
débouler l’imprévu comme un torrent de montagne entrant dans
notre cuisine, notre première réaction est la peur. Peur de ne pas
trouver les bonnes réponses, peur de la précarité, de nos
fragilités, de notre solitude, de la maladie, de la mort… Nous en
avons tellement des peurs ! Et bien sûr qu’il nous revient de
ne pas nous laisser paralyser par elles. Mais au-delà de la peur, il
y a autre chose. C’est qu’en ces moments de mise à mal, il y a
une chose à laquelle nous ne pensons pas immédiatement ; c’est
que cette intrusion de l’imprévu et de l’incertitude ouvre alors
le champ à de nouveaux possibles. C’est une des lois du
vivant : le nouveau vient de l’entropie. En prendre
conscience, c’est pouvoir commencer à développer l’idée qu’il
pourrait être intéressant de chercher ces nouveaux possibles plutôt
que de s’arrêter au désastre étalé sous nos yeux. Ainsi, une
rupture amoureuse peut être l’occasion de comprendre des choses de
soi, ou bien encore de rencontrer une autre personne. Un licenciement
peut être l’occasion de renouer avec soi ou de s’orienter vers
d’autres horizons, et ainsi de suite… En chaque contrariété et
empêchement reposent à la fois, et un troll, et un nouveau potentiel inconnu. Il
est difficile à voir parce que souvent bien caché et différé dans
le temps. Il convient juste alors se mettre en état de disponibilité
et de bien débloquer les verrous pour que lorsqu'il se pointera la
porte puisse s’ouvrir.
« Différé
dans le temps », disais-je. Et c’est là l’autre point
important. Face à des chocs conséquents, une fois passées les
dispositions à prendre d’urgence, notre psyché a besoin de temps
pour se recomposer face à cette nouvelle donne. Et parfois même de
beaucoup de temps. Ce temps-là est parfois plus difficile à
traverser que le choc de l’épreuve elle-même, parce que nous
voudrions que tout cela se résolve au plus vite et parce qu’entre
ces deux points-là -le choc et sa résolution psychique- nous sommes
en quelque sorte vides de nous-mêmes, en partie dépossédés d’un
pouvoir qui nous semble perdu. Or, la psyché a besoin de ces marées
basses, elle a besoin de ces temps de vide. C’est pour cela que
l’Arcane sans nom avance sur une terre noire d’hiver. La psyché
fonctionne en général à notre insu. Elle fournit tout un travail
souterrain qui ne nous vient à la conscience qu’une fois une bonne
partie du processus achevé. Ainsi, derrière ces moments d’attente,
de rien, et parfois même d’impuissance, reposent une puissance en
devenir, un processus qui a la force du vivant et qui nous permet de
rebondir presque comme neuf quand le temps est venu. Juste alors
devons-nous avoir recours à une chose merveilleuse qui sans doute se
cultive mais sans que personne n’en ait jamais eu la recette
parfaite : la confiance...
Accepter
ses peurs, voir le renouveau en germe parfois même au cœur de la
désolation, faire confiance au lent processus de régénération de
sa psyché après le choc et en accepter parfois la lenteur. Alors
les catastrophes peuvent devenir des alliées dont nous utilisons la
force de transformation à notre profit plutôt de les laisser nous
détruire.
Et
puisque le Tarot est une structure merveilleuse, faisons la translation
numérique du tirage dont il est question ici : 13 + 1 + 4 = 18.
Soit la Lune. Soit ce travail invisible et souterrain de la psyché
dont il est question plus haut !