mercredi 29 juin 2016

La grande roue


Une fleur d'un fruit de la passion
(photographie prise dans le jardin de l’Émerveillée en ses terres)


Les cultures amérindiennes ont conçu un outil extraordinaire qui s’appelle « la roue de médecine ». Il s’agit de conférer à chaque direction cardinale (il y en a 13 !) des caractéristiques précises. Chaque direction est rattachée (habitée ou investie) par une couleur, une saison, un esprit, un élément, un travail particulier, un animal, une couleur… Parfois ces caractéristiques pouvant varier d’un peuple à un autre.

C’est donc une boussole géographique, mais aussi intérieure. Chaque endroit où l’on se trouve devenant une initiation, voire un lieu pour guérir. Ce concept de « roue de médecine » est complexe -et je crois que rares sont ceux qui en occident le maîtrisent parfaitement- mais il résonne profondément, remettant l’Homme dans une géographie de l’univers qui rejoint sa géographie et sa physique intérieures. Pour chaque direction un travail à accomplir, sur ses pensées, ses émotions, ses illusions, son corps, ses rêves… Une relation à entretenir ou à nouer. L’univers, le paysage, deviennent dès lors un mandala puissant avec lequel nous sommes en interaction. C’est un outil thérapeutique et spirituel.

L’Homme est, où qu’il soit, au centre d’un espace circulaire, entouré et habité de présences qui l’accompagnent.

Le Voyageur sur la Voie du Tambour commençait l’exploration de ce cercle, accompagné de quelques compagnons de route, tous guidés par Celle qui avait déjà fait le chemin, et c’était tout aussi puissant que remuant et exaltant. Dans cette exploration, au gré de ses voyages, peu à peu, une vision s’est imposée. 

Cela a commencé par une image, et puis une autre ; de grands paysages dans lequel il entrait et au sein desquels quelque chose d’ineffable et de puissant advenait. Des images du Tarot de Marseille qui devenaient des paysages grandeur nature dans lesquels il évoluait. Des personnages de ce même Tarot qui se présentaient à lui comme guides. Et soudainement un éblouissement : le Tarot de Marseille EST une roue de médecine !

Certains affirment que « Tarot » serait l’anagramme du mot latin « rota » qui signifie « roue ». Sachant que sur l’origine du mot « Tarot », le nombre d’hypothèses est proportionnel à notre ignorance, on n’en sait rien ! Reste que des roues, dans le Tarot on en voit : la Roue de Fortune (placée au milieu du jeu), les roues du Chariot… Le Tarot est une structure circulaire : quand le cycle commencé avec le Mat et le Bateleur s’achève avec le Monde, un autre cycle commence. C’est un cercle sans fin, perpétuellement renouvelé. La Roue de la vie.

Imaginons un grand espace circulaire autour duquel seraient disposés dans leur ordre numérique les 22 arcanes. C'est un paysage onirique. Chaque carte est une porte, un temple dans lequel le Voyageur placé au centre peut entrer. Chaque arcane est un espace de travail intérieur, un lieu d’initiation. A chaque arcane ses fonctions et l'âme y est chez elle. C'est une roue spirituelle, la roue de toutes les métamorphoses et de toutes les résiliences. Car chaque arcane dans lequel le Voyageur pénètre est un lieu d'enseignement et d'apprentissage. Chaque arcane est comme un maître qui l'enseigne. Un archétype qui agit et qui conduit son âme. Il lui parle en un langage mystérieux que le Voyageur comprend. Et dans cet enseignement il y a la compréhension de toute l'expérience humaine.

Le Tarot est un chemin, Tous les arcanes sont liés entre eux et bénéficient de l'expérience de ceux que le précèdent dans l'ordre numérique. Le Voyageur, ainsi va la vie, les rencontre dans un ordre aléatoire en fonction des événements de sa propre vie. A chaque arcane son expérience et ses compréhensions. C'est un mandala à la grandeur de l'univers et de la psyché humaine !
Qu'il fasse silence en lui, et les arcanes parleront au Voyageur car ils parlent "dans le silence du cœur". C'est ainsi. A chaque arcane le Voyageur vient soigner et comprendre quelque chose. Ainsi, par exemple parmi des milliers de possibilités, chez la Papesse pourra t-il se demander ce qu'il a apprendre du monde dans le silence de l'âme ; chez le Chariot ce qu'il a à entreprendre dans le monde ; chez l’Étoile trouver, comprendre et vivre sa juste place dans le monde ; chez le Bateleur ce qu'il a à commencer et à expérimenter, et ainsi de suite... C'est un jeu sans fin qui n'a pour limites que l'imagination et l'investissement psychique que l'on y met.
Ce mandala du Tarot est profondément curatif car il parle le langage de l'âme. Il la convoque pour peu que l'on s'en soit éloigné.

Le Voyageur au centre de ce grand cercle sentait à quel point cette structure était vivante et puissante. Chaque image étant comme un reflet d'une sorte de conscience universelle dont le Voyageur se sentait le dépositaire obligé, l'humble disciple, l'apprenti, l'élève essayant de se mettre à hauteur de la vision.

- Tu iras donc lui dit-on et tu questionneras. Et tu demanderas quel travail est à accomplir en chaque porte passée. Quelle guérison est en œuvre pour chacune d'entre elles !

- Je le ferai, oui, répondit le Voyageur. Mais les arcanes mineurs ? 

- Ah les arcanes mineurs ! C'est toujours le plus simple, le plus évident comme le nez au milieu de la figure que tu ne vois pas ! Tu veux de l'explicatif ? Tu vas donc en avoir. Mais n'oublie pas : ce que nous te disons aujourd'hui est vrai, mais peut aussi être faux. Ou parcellaire. Le Tarot ne se limite à aucune définition ! Donc, les arcanes majeurs sont de grands temples, miroirs et chemins, à l'échelle de l'immensité de l'univers et de la conscience. Et quand bien même parlent-ils aussi de tes expériences les plus prosaïques, ils sont des machines puissantes aptes à activer ton âme. Les arcanes majeurs, quoique te reflétant, sont plus grands que toi ; ils t'enseignent. Pour les arcanes mineurs, c'est différent. Ils sont ton propre miroir, un reflet de ton expérience humaine et te représentent toi sur le chemin. Tu peux être sur le chemin du corps, de la matière ou du concret (les Deniers) ; sur le chemin de l'énergie, de la créativité, de la sexualité, de la recherche de la santé (les Bâtons) ; sur le chemin de l'émotionnel et de l'affectif (les Coupes) ou sur celui de l'esprit, de la pensée, du langage et de la symbolisation (les Épées). Ils te disent là où tu es ou là tu devrais te situer pour accomplir ce que tu as à faire. Ils forment une sorte de grande spirale ascendante se suivant les uns et les autres. Un jeu de marelle métaphysique où vous allez, sautant ou glissant de case en case. Ils sont à échelle humaine, très simples, et tu les arpentes inlassablement. Nous y reviendrons à ces arcanes mineurs. C'est ta grande affaire en ce moment ! Ils sont humbles, dépositaires d'un savoir très pragmatique, ils sont des balises sur le chemin au quotidien de l'être humain. Leur progression est basée sur une logique de croissance puis de décroissance, comme les plantes. Leur modèle est le végétal ; ils sont d'inspiration terrienne mais évoluent vers l'humain avec les figures. Toi voyageur arpenteur, comme tous tes frères et sœurs, les parcourez inlassablement. Vous pouvez même être sur plusieurs chemins à la fois ! Et tout cela s'imbrique parfaitement : les majeurs, les mineurs, chacun étant le miroir de l'autre, et te reflétant toi, à l'infini des possibles...

Ainsi donc, le Tarot fut au début pour le Voyageur un simple jeu de cartes. Puis un mystère à comprendre et à décrypter. Puis un regroupement d'enseignants sur le chemin de l'âme, puis une pratique de l'esprit sur la Voie du tambour, puis une structure active, puissante par laquelle l'Homme peut grandir et même soigner son âme.

Ce soir, sur le chemin du Tambour, il reviendra dans la grande clairière aux 22 portes et aux quatre chemins possibles. Il s'en approchera, écoutera, regardera ; et continuera ainsi cette exploration sans fin pour un jour, bientôt, enfin, l'apprendre à ses compagnons de route...