Le Tarot est un
univers-monde aux chemins infinis, dans lequel il est impossible
d’enfermer quoi que ce soit dans une seule signification ; une seule
vérité. Pourtant, le Tarot dit des vérités et c’est là tout le
paradoxe ! Il dit la vérité du moment. Ou plutôt, nous
tentons d’y lire la vérité du moment… On dit souvent à propos
des contes que les conteurs sont tous des menteurs, mais que les
contes disent toujours la vérité. Il y a toujours dans un tirage de
Tarot une approximation, quelque chose que le tarologue ne voit pas,
et pour le moins un choix de regard et d’interprétation. Et
pourtant, une vérité est dite ! Une vérité donc relative
(comme toutes les vérités) mais qui pourtant peut avoir le pouvoir
de réorienter le chemin de vie du consultant !
Face à sa multitude de
sens, à ses correspondances sans fin, il est possible (et même
parfois souhaitable ?) de s’y perdre. L’esprit humain adore
construire des systèmes, des théories et il lui arrive même, plus
souvent qu’à son tour, de trouver des causalités là où il n’y
a sans doute qu’un croisement aléatoire de plusieurs données
distinctes.
Il n’en demeure pas
moins qu’il arrive parfois que devant un tirage de Tarot nous
soyons complètement perdus. Face à cette difficulté deux réponses
peuvent être intéressantes : bien comprendre que ce n’est
pas le Tarot qui se trompe mais nous qui ne savons pas le comprendre,
et revenir à l’image.
Ce retour à l’image
est essentiel tant le Tarot est un langage d’images. Ses concepteurs
(dont nous ignorons l’identité) auraient pu rajouter des mots
(certains jeux plus tardifs ne s’en privent pas !) ; ils
ne l’ont pas fait, sauf sur la cartouche inférieure indiquant le
nom de la carte. Le jeu le plus ancien connu date du XIVème siècle.
Une époque où très peu de gens savaient lire. Cela signifie qu’il
y avait l’idée de pouvoir s’adresser à tout le monde. Le
moyen-âge aimaient les images allant jusqu’à peindre l’intérieur
des églises et des cathédrales. On enseignait les foules par les
images et c’était par elles que l’on transmettait, par exemple,
les scènes édifiantes de la Bible ou des Évangiles. L’iconographie
médiévale est pour moi une merveille absolue dont je ne me lasse
pas. Ce jeu de Tarot parvenu jusqu’à nous vient d’un siècle qui fut la
jonction entre le moyen-âge et la Renaissance. La fin d’un cycle
de mille ans et le début d’une nouvelle époque. Ce jeu a donc
valeur de bilan tout autant que de passeport pour le futur….
Revenir à l’image.
Donc, au-delà de toute spéculation intellectuelle ou émotionnelle,
revenir à ce qui nous est montré. Et si il y a une chose que j’ai
comprise en 15 années d’études (inachevées et d’ailleurs inachevables !)
du Tarot, c’est bien qu’il n’y a aucun détail qui ne soit
pas un choix. Rien qui ne soit dû au hasard. Il faut donc
régulièrement revenir à la vérité de l’image car ici, tout
fait sens.
Prenons l’exemple de
l’Arcane sans nom et de sa partie inférieure. On voit bien sûr en
premier ce squelette portant faux tout à fait inquiétant. On voit
ces têtes (couronnées !) coupées, ces membres sectionnés,
ces os. On voit cette terre noire, celle des champs d’hiver après
les labours. Et l’on se dit : houlala, quelle horreur !
Ce qui va m’arriver est abominable !
Mais on regarde d’un
peu plus près et l’on peut voir alors un os transformé en flûte !
Ah bon, il est donc possible de faire de la musique quand la grande
faucheuse est là ? De faire chanter quelque chose quand son
grand travail de transformation, de mise à nu, de métamorphose est
en cours ? (Et à ce propos cette flûte creusée dans ce qui
ressemble à un tibia ressemble comme deux gouttes d’eau à une
authentique pratique bouddhiste tibétaine !). On regarde encore
et l’on voit alors de jeunes pousses vigoureuses et pleines de
vitalité sortant de terre. Quelque chose donc peut pousser dans ce
sombre tunnel de l’hiver ?
Et bien oui.
Explicitement, cette image nous dit bien qu’au-delà du travail de
coupe et d’arrachage de l’Arcane sans nom, ce qui se joue est
une nouvelle naissance, un renouveau. Qu’aussi dur à vivre que
soit cette séquence, c’est un passage obligé pour de nouvelles
moissons. Les têtes couronnées sont à terre, mais c’est pour
mieux renaître après avoir fait le deuil de bien des illusions. La
terre a été retournée, est nue, mais c’est pour de nouvelles
récoltes. La chaire s’est décomposée mais pour de nouveaux
chants, une nouvelle chair, une nouvelle vie. Et quand bien même la
mort passerait-elle au sens propre, il nous est dit ici que la Vie,
elle, continue ; toujours.
Ainsi, le Tarot est aussi
une école du regard. Il est bon d’y réfléchir, mais il est bon
aussi de revenir à la vérité première de l’image avant que les
références historiques, culturelles ou autre ne s’en emparent.
C’est pour cela que je juge important pour enseigner le Tarot de
prévoir de longues séquences au cours desquelles les stagiaires ne
font que regarder en silence. C’est ce travail-là qui me parait le
plus à même de préserver la vitalité de nos perceptions.
Comme je l’écrivais il
y a peu, l’arcane suivant l’Arcane sans nom est Tempérance. Un
ange… La promesse contenue dans le premier arcane se voit donc ici
confirmée. Après la traversée de l’ombre : la lumière ;
après la souffrance : l’amour. Au sol, encore quelques pousses plus
grandes que les précédentes. Les mêmes qui auraient poussé ?
Ce qui a été donné pour mort, ce qui a fait la grande traversée,
revient avec les ailes d’un ange. Une façon de montrer, là
encore, qu’il ne peut y avoir d’accès à la lumière sans
confrontation avec l’ombre et sans la traversée de cette
expérience -pour le plus souvent rude- de l’Arcane sans nom….
Mais au plus sombre de notre parcours, le fait de voir que
quelque chose de neuf est en train de pousser et qu’un chant puisse
naître de cette épreuve peut être comme une promesse qui nous aide
à tenir…
Le Tarot est une école à
plus d’un titre : une école de vie ; un entraînement à
l’intuition et à la sensibilité, à la richesse féconde du
symbolique ; un chemin d’individuation ; une marelle vers
le sacré ; une connexion avec ce qui peut nous échapper… Il
est aussi une école du regard qui, si l’on y revient,
inlassablement, peut nous éviter de nous y égarer.
Et puis, encore une chose. Dans cette partie inférieure de l'arcane, il y a un objet étrange : un os, un peu comme un chausse-pied qui ne ressemble à aucun os connu. C'est un mystère, et pour l'heure, je ne connais personne qui ait apporté une réponse pertinente à celui-ci. J'aime cette idée d'une vérité qui se dérobe. Comme si, pour des siècles, ce jeu, ce livre, ce miroir, ce chemin, qu'est le Tarot gardait une part d'irrésolu ; à l'image de ce que sont nos vies : des mystères que nous tentons d'éclaircir... Et comme si, dans cet irrésolu-là, reposait comme une dynamique très puissante qui nous dirait : avance ! Cherche !
Et puis, encore une chose. Dans cette partie inférieure de l'arcane, il y a un objet étrange : un os, un peu comme un chausse-pied qui ne ressemble à aucun os connu. C'est un mystère, et pour l'heure, je ne connais personne qui ait apporté une réponse pertinente à celui-ci. J'aime cette idée d'une vérité qui se dérobe. Comme si, pour des siècles, ce jeu, ce livre, ce miroir, ce chemin, qu'est le Tarot gardait une part d'irrésolu ; à l'image de ce que sont nos vies : des mystères que nous tentons d'éclaircir... Et comme si, dans cet irrésolu-là, reposait comme une dynamique très puissante qui nous dirait : avance ! Cherche !
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